• TERREUR NOCTURNE

    Il pleuvait, elle entendait la pluie battre contre la fenêtre, la nuit était tombée depuis longtemps, mais elle n’avait pas réussi à trouver le sommeil. Son esprit vagabondait, ressassant la journée. Il n’avait rien eu de particulier pourtant en ce dimanche banal de printemps, elle avait joué, lu, fait ses devoirs, une journée normale de petite fille de 8 ans.

    Rien de particulier ? Non pas si sûr. Il y avait eu cette voix, elle l’avait entendu alors qu’elle montait les escaliers. Elle avait d’abord mis ça sur un gag de sa petite sœur, avant de se rendre compte qu’elle était seule à l’étage. Et puis même pour rire, pourquoi sa sœur de 5 ans aurait ricané un « tu vas mourir » aussi sinistre  ?
    Elle se pelotonna un peu plus dans ses couvertures en y repensant, elle avait eu peur et était encore effrayée. Elle finit par se convaincre qu’elle avait dû l’imaginer, demain, ce serait oublié. Elle s’endormit enfin, la lampe de chevet resta allumée jusqu’au matin.

    **

    Une semaine de routine passa. Elle mit tout cela sur le compte de son imagination un peu trop fertile.
    Oublia même.

    **

    « Je te hais ! Tu me répugnes. Je veux ta mort ».
    Elle sursauta, tiré de son sommeil ! Cette voix encore ! Une voix de femme, trop grave, trop rauque pour être celle de sa sœur. Elle se mit en boule au fond de son lit, les mains sur les oreilles, les yeux fermés à s’en faire mal. Elle tremblait et hésitait, devait-elle appeler sa mère. Elle se reteint les larmes aux yeux, non, elle allait encore se moquer d’elle, à quoi bon elle ne la croirait pas de toute façon. Elle devait allumer la lampe, mais même sortir sa main de sous les draps pour actionner l’interrupteur lui semblait impossible.
    Elle resta à l’affût, écoutant la nuit. Mais il n’y avait que le silence, pas un bruit, la maison était calme. Ses parents devaient être au rez-de-chaussée regardant la TV. Sa sœur dormait dans l’autre chambre.
    Elle se mit à sangloter.

    **

    Les nuits devinrent de plus en plus difficiles, seule la lumière de la lampe de chevet la rassurait un peu. Mais sa mère insistait pour qu’elle l’éteigne, riant de ses peurs d'enfant, la laissant dans le noir dès qu’elle s’endormait. Elle ne se réveillait que plus paniquée. Allumant toutes les lumières de la chambre avant de se rendormir, recroquevillée sous les draps. Et se faire gronder le matin au réveil.
    Les cauchemars commencèrent à s’inviter.
    La nuit la terrifiait et l’heure du coucher était devenue un calvaire, la peur la tenaillait, elle ne s’endormait qu’exténuée de lutter contre cette frayeur incontrôlable, pourtant plus de voix, plus de menaces, juste les cauchemars…

    **

    Elle se trouvait dans l’allée d’une église au sol de tomettes rouges. Devant elle, l’autel de marbre blanc. Autour d’elle, les ténèbres, elle ne voyait pas au-delà de l’autel. La croix qui aurait dû se trouver derrière était invisible, un prêtre, dont elle ne voyait pas le visage penché, se trouvait au bout de l’allée, il lui parlait, mais elle n’entendait qu'un murmure indistinct. Elle fit quelques pas vers lui, tentant de saisir ses paroles. L’obscurité semblait se refermer sur elle au fur et à mesure qu’elle avançait.
    Elle avait peur, peur de ce prêtre qui murmurait, de cette obscurité qui se voulait l'engloutir, l’autel avait disparu. Elle ne voyait plus que le rouge flamboyant des tomettes et cet être qui ne ressemblait plus à un prêtre, ni même à un humain. Il ondulait, changeait, elle voulait faire demi-tour, mais ses jambes refusaient de lui obéir. Elle s’était arrêtée net devant la créature. C’était maintenant le diable, perché sur ses sabots de bouc, aux yeux aussi noirs qu’un gouffre et à la peau sanglante. Il la regardait avec un sourire narquois. Le démon posa une main aux doigts griffus sur sa joue et un rire caverneux sorti de sa gorge. Elle hurla.
    Ce sont les larmes aux yeux qu’elle se réveilla, tremblant de tous ses membres, elle chercha l’interrupteur, mais fit tomber la lampe. Elle cria et cria encore, elle cria jusqu’à ce que la lumière s’allume et que la voix de son père se fit entendre. Et c’est tremblante et en pleure qu’elle se blottit dans les bras de son sauveur.

    **
    Le cauchemar la poursuivit toute la journée et elle eut peine à trouver le courage d’aller se coucher la nuit suivante. Cette nuit-là et celles qui suivirent, sa mère toléra la lumière de la lampe de chevet.
    **
    L’escalier de pierre semblait sans fin. À chaque marche, elle espérait enfin arriver à son but quel qu’il soit. Elle se trouvait dans un temple de pierres blanches. Un temple égyptien, les peintures anciennes aux couleurs passées représentaient des personnages en train de fournir le travail quotidien des paysans de l’Égypte ancienne. Les fermiers fauchant les champs, les nobles recevant, les enfants jouant. Elle regardait tout ça d’un œil émerveillé et pourtant un sentiment d’inquiétude commençait à poindre en elle. Que faisait-elle là, pourquoi montait-elle cet escalier sans fin. Que cherchait-elle. Pourquoi ne voyait-elle qu’une brume blanche au-dessus, elle voulait s’arrêter, faire demi-tour. Impossible, lorsqu’elle se retourna, l’escalier avait disparu dans une brume opaque et noire. Elle n’avait plus le choix, elle devait avancer. Les peintures firent place à des sculptures d’animaux, une biche, un crocodile, le chemin se faisait de plus en plus étroit. Elle s’arrêta soudain, elle avait entraperçu un mouvement sur le mur qu’elle longeait. Elle fixa la statue d’un chat blanc aux yeux d’onyx qui se trouvait là. Tremblante, elle tendit une main vers lui, vif comme l’éclaire, l’animal prit vie et lui sauta dessus, lui entaillant l’avant-bras.
    La douleur la réveilla. Ses yeux fixaient ce bras intact qui la lançait autant que si une partie lui en avait été arrachée.
    **
    La douleur l’accompagna toute la journée pour disparaitre dans la soirée. Épuisée, elle ne voulait que dormir et oublier. Dormir ? Le pouvait-elle encore. Les insomnies reprirent de plus belle.
    **
    Cette nuit-là fut celle de l’oublie, l’oublie de celles passées en enfer depuis presque une année, ses nuits entre cauchemar et voix harcelantes prirent fin.
    Cette nuit-là, elle s’endormit paisible… Du moins, le crut-elle.
    « C’est la fin, ta fin… »
    Elle se réveilla en sursaut. La voix, de nouveau, derrière la porte.
    « La fin ! Viens !! »
    Son esprit bouillonnait, que faire, y aller ? Rester cachée au fond du lit ? Il fallait que ça cesse. Ses larmes coulaient d’elles-mêmes, incapable de les contrôler. Elle tremblait comme une feuille, la peur, la terreur la submergeait. Pourtant, une petite voix lui disait, vas-y fonce et affronte-la, finis-en !
    Alors, elle se leva, tremblante et en pleurs, mais elle se leva, quittant la sécurité de son lit. Elle enfila par réflexe ses chaussons. Croisant les bras sur sa poitrine comme pour se protéger du froid. Elle avança vers la porte. Le couloir était sombre, elle chercha l’interrupteur, la lumière ne lui révéla rien d’autre que du vide. Elle avançait doucement, les quelques pas qui la mèneraient jusqu’au salon lui semblaient sans fin, elle continua pourtant.
    Une ombre passa derrière la porte vitrée, son cœur s’accéléra, mais elle ne s’arrêta pas, courant presque, elle ouvrit la porte à la volée.
    Rien.
    Juste le salon et ses meubles immobiles. La lumière de la pleine lune filtrait par les vitres, dessinant de drôle de motif sur le sol. L’un d’eux glissa vers elle. Poussant un petit cri étranglé, elle fit un bond en arrière, mais l’ombre s’était fondue à l’obscurité. Immobile, il lui fallut quelques instants pour se décider et se ruer à l’extérieur.
    Le froid là transperça.
    « Tu es là !!! Viens !! »
    La voix… Impérieuse. Elle leva les yeux vers le mur de pierres apparentes. La peur la paralysa et son cri resta coincé dans la gorge. Elle était là, sortant du mur, d’où seul son buste dépassait. Une femme aux longs cheveux noirs, à la robe blanche, au visage livide et aux yeux plus noirs que la nuit. Elle se balançait doucement et ricanait, la montrant du doigt.
    Machinalement, sans trop réfléchir, elle fit un signe de croix comme elle l’avait appris au catéchisme. Un cri sembla venir de la chose avant qu’elle ne disparaisse dans un éclat de fumée blanche.
    **
    Bien des années plus tard, alors que les cauchemars avaient cessé depuis cette nuit-là, elle se demandait si cela avait été un rêve. Et si non, pourquoi ? Pourquoi ? Quelle signification donner à cette rencontre ? Que s’était-il passé que son âme d’enfant n’avait pas saisi.
    Quoi, et pourquoi ?

     

     

     

     

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